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  • Photo du rédacteurKatell Magazine

L'invitée : Clown un jour, clown toujours

Photographe : Noémie Lefèvre, tous droits réservés.


Directrice de la compagnie Vis Comica, Nathalie Tarlet consacre un mois et demi par an à l’association nationale Clown Sans Frontières. Des missions bénévoles pour les enfants sénégalais à son engagement pour les droits de l’enfant, elle est dans son rôle de clown : « sans se prendre au sérieux, il lance des questions au monde ». Retour de mission.

Assise sur sa terrasse ensoleillée à Quessoy, entre deux répétitions avec une compagnie, Nathalie a du mal à atterrir. Elle rentre de trois semaines au Sénégal, une mission pour Clown Sans Frontières. On se tutoie ? Oui. «J’atterris. C’est long. Je fais des rêves, beaucoup de rêves, tout remonte. Je suis dans le contretemps, c’est pour ça que je suis clown ». Et elle raconte. Cette nouvelle « grande leçon de tolérance ». Celle des enfants des rues. « C’est déroutant. Ces enfants avec des regards d’adultes qui redeviennent des enfants le temps d’un spectacle ».


Nathalie est directeur artistique dans l’ONG Clowns Sans Frontières depuis 2018.

« Je les connaissais et je m’étais dit que si j’avais le temps de m’investir dans une cause, ce serait avec eux. Un jour, ils ont assisté à la représentation de mon spectacle « Pouce ! » et m’ont proposé de les rejoindre. Mes enfants avaient grandi, je pouvais repartir ». Elle s’envole en 2018 pour le Sénégal. Voyage de repérage. « Nous partons à trois : une personne du bureau de CSF, une en charge de la logistique et moi. Sur place, nous rencontrons l’ambassade, les associations locales, le service de la justice. Il était hors de question de venir en donneurs de leçons. On a juste proposé de les écouter et de voir si notre expérience pouvait leur être utile. Les portes se sont ouvertes ».


17 représentations en 2 semaines.

La mission de septembre 2021 était franco-sénagalaise. « Trois artistes de chaque nationalité, trois femmes, trois hommes. Nous avons trouvé des financements pour les artistes sénégalais. La délégation française est intervenue bénévolement sur tout le séjour ». À leur arrivée, l’équipe a quatre jours pour préparer le spectacle qu’elle jouera dix sept fois en deux semaines. « Parfois il y a cinq heures de route entre deux spectacles, sans compter les pannes de bus, les arrêts des gendarmes pour corruption ». Les spectateurs : les enfants incarcérés, ceux qui vivent dans la rue ou dans les daaras*, mais aussi des adultes purgeant de longues peines. « Dans les prisons, les mains sortent par les fenêtres, l’insalubrité est telle que l’on pense que l’on va vomir. Mais, le temps du spectacle, on oublie tout. Ces enfants sont des oubliés. Parfois, ils attendent leur jugement pendant trois ou quatre ans. Nos interventions font autant de bien aux enfants qu’aux gardiens ».


C’est aussi un voyage de formation et de transmission.

Quatre autres jours sont consacrés aux liens avec les structures locales et à la formation des jeunes artistes de la compagnie Sencirk’ dont le fondateur, Modou, est un enfant des rues de Dakar. «Nous apportons des outils d’échange aux animateurs et éducateurs des enfants. Ils s’occupent d’eux toute l’année ! ». Quand on lui demande ce qu’elle retient de cette expérience, il y a un moment de silence. Son regard bleu cherche. « Je retiens les sourires, les rires, les mercis. Rire, pour eux, c’est une respiration, de la joie, de l’innocence retrouvée le temps d’un spectacle. Certains nous reconnaissent d’une mission à l’autre. Là-bas, ils m’appellent Mama ». Avec CSF, Nathalie participera à un colloque sur le droit de l’enfance à l’Assemblée Nationale. « Nous y serons aux côtés de juristes, de pédopsychiatres. À la fin de cette réunion, il y aura une parade autour de la place de la Concorde : le lancement de la Marche des Nez ». Objectif de l’association : aller présenter au siège de l’UNESCO à Paris et au Bureau des Nations Unies à Genève son plaidoyer en faveur du droit à l’enfance. « Ici, en Côtes d’Armor, je vais être à la recherche d’associations, d’écoles, de clubs de sports... qui accepteront de marcher. Point de départ à La Passerelle à Saint-Brieuc autour du 08 juin 2022, jusque Rennes ».


Le clown, langage universel.

Nathalie a «posé sa caravane » à Quessoy en 1998 pour devenir maman. S’installer à la campagne a toujours été un projet. Entre le sud et l’ouest, son coeur balançait. Finalement le corps de ferme de Quessoy l’a emporté. « La maison c’était aussi le lieu où j’allais créer ma compagnie ». Retour aux sources. Née à Saint-Trimoël, de parents agriculteurs, la jeune fille

« 100% pur beurre » est inscrite à l’école d’horticulture de Saint-Ilan. Elle y rencontre Hubert Lenoir du théâtre du Totem. « J’ai réalisé que c’était ce que je voulais faire. Je préférais les textes de Shakespeare aux bulbes hollandais. À 18 ans, je pars à Paris, contre l’avis de mes parents ». Elle cumule un boulot et les cours de théâtre le soir. Puis, elle rencontre le cirque grâce à l’école d’Annie Fratellini. « Elle avait fondé l’école du cirque accessible aux autres enfants que ceux du cirque. Elle est restée ma marraine ».


«Toi, tu es clown».

Deux ans de formation. Nathalie se sortira avec brio d’une péripétie lors d’un spectacle à l’Opéra de Nantes, ce qui lui vaudra un « toi, tu es clown » de la part d’Annie Fratellini. « Des mots qui ne m’ont jamais quittée », confesse t-elle. La jeune femme enchaîne alors les tournées, séjourne en Angleterre, Allemagne, aux États Unis et au Brésil. « Au Brésil, j’ai eu un gros choc. Le tiers-monde m’a sauté aux yeux. J’ai vu une femme accoucher dans la rue alors que je résidais dans l’un des plus beaux hôtels de la ville. Chaque matin, je mettais le petit-déjeuner de l’hôtel dans mon sac à dos pour le redistribuer dans la rue. J’avais du boulot mais j’avais besoin de sens, d’être en lien avec ce qui se passe dans le monde ». A cette époque, elle joue devant des spectateurs illustres comme Sting ou la famille royale de Monte Carlo. Son jeu de clown lui sert à faire passer les messages, questionner. « Sous couvert de divertissement, de légèreté, de naïveté, on peut raconter beaucoup de choses. Le clown se moque de lui-même, ne se prend pas au sérieux et lance des questions au monde. On a un rôle, on n’a pas la solution ». Toujours d’actualité.



viscomica.org

*écoles coraniques

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